Antoine Pierre Marie de Guillebon était le 7e fils du Vicomte Maxime de Guillebon de la branche de Troussencourt (XIV) et d’Antoinette du Tertre d’Elmarcq. Voici ses Mémoires de guerre.
Né à Gournay-en-Bray, le 15 mai 1893, Antoine de Guillebon poursuivit ses études à l’ECAM (École Catholique des Arts et Métiers). En 1913, Antoine fut appelé sous les drapeaux. Le Service Militaire était alors de trois ans. La guerre lui fera jouer les prolongations jusqu’en 1919. Après la déclaration de guerre, son unité fut envoyée en renfort au Bois-le-Prêtre près de Pont-à-Mousson. Il fut nommé sergent le 10 septembre.
Dans les tranchées
Commence alors pour lui l’édifiante vie de tranchée, laissons-lui la parole :
« C’est alors que mon régiment fut désigné pour coopérer à la défense du Bois-le-Prêtre. […] Ce secteur comprenait une pointe, appelée »Gros Chêne » d’où l’on pouvait voir les ruines d’un village, Fey-en-Haie (qui ne fut pas reconstruit après guerre). Ce village était occupé par les Allemands. Au point de vue militaire, les tranchées adverses étaient parfois si proches des nôtres, à peine quelques mètres, qu’elles pouvaient permettre de mutuelles relations ! Assez souvent, mais surtout la nuit, une fusillade se déclenchait, avec ou sans cause. De chaque côté aussi, la nuit, étaient lancées des fusées lumineuses qui obligeaient à l’immobilité pendant leur illumination pour ceux qui pouvaient se trouver alors hors des tranchées ou boyaux à ce moment. En cette période hivernale, le froid était bien redouté. Combien eurent les pieds gelés ?
Pour ma part, je ne pouvais le supporter et, pour le combattre, je n’avais qu’une solution : marcher. Ce n’était pas toujours facile, surtout la nuit dans les tranchées où certains dormaient, couchés au fond ! Aussi, il m’arrivait alors de sortir de ces tranchées pour circuler dans les parages, sur le sol même.
[…] Indépendamment de cette guerre spéciale, des attaques alternatives avaient lieu permettant de faibles progressions avec appui d’artillerie. […] Personnellement j’ai pris part à l’une de ces attaques, mais sans artillerie. Nous pûmes sortir « sans bruit » de nos tranchées pour bondir sur celle d’en face que nous trouvâmes sans défenseurs ! C’était une belle tranchée couverte qu’il fallut aussitôt aménager pour la rendre défendable en sens inverse. Évidemment, cette opération avait fait déclencher une vive fusillade qui ne nous a causé que peu de pertes en morts ou blessés. Le 10 avril 1915, alors que notre commandement avait préparé une attaque, nous fûmes soumis à un violent bombardement d’obus, pendant que des fusillades se déclenchaient.De notre côté, notre artillerie avait été renforcée et une batterie de 75, probablement trop récemment installée, tira des rafales trop courtes, tuant un de nos caporaux, Mozzamino et me blessant à l’avant bras gauche. Je fus alors évacué sur un hôpital à Pont-à-Mousson où je pus ainsi dormir dans un bon lit. »
Antoine fut envoyé ensuite à l’H.D.E. temporaire d’Yzeure, près de Nevers. Il put terminer sa convalescence chez ses parents à Saint-Cast.
Au service de l’Aviation
Antoine reprit son service en juin 1915, détaché au 2° Groupe d’Aviation à Lyon comme sergent mécanicien ; bien que loin du front, ce n’était pas sans danger :
« Notre formation a été tout d’abord stationnée à Courtisol (Marne) où elle était indépendante, mais, par la suite, elle fut rattachée à une escadrille de bombardement Voisin, en vue d’escorter les avions de cette dernière, devant utiliser des bombes à air liquide et noir de fumée, de l’ingénieur chimiste Georges Claude. Cela se passait alors en pleine bataille de Verdun. Tout allait bien et il me semble que les explosions de ces bombes donnaient de bons résultats, lorsqu’un jour ce fut la catastrophe pour l’installation de préparation des bombes. En effet, celles-ci devaient être préparées sur place pour utilisation rapide : 2 ou 3 heures au plus. Au cours d’une opération, toute l’installation fut détruite par une explosion faisant 18 victimes (pas un blessé).
Ma V. 110 n’ayant pas de perte, je dus, avec le personnel rampant de celle-ci, m’occuper du ramassage des débris humains projetés de tous côtés et parfois assez loin. À la suite du rapport défavorable du Capitaine Gallet, la fabrication de ces bombes ne fut pas reprise ».
En mission
En juillet 1916, le jeune homme rejoignit la F 218, escadrille de bombardement au nord de Moreuil. Il effectua son premier vol seul le 8 février 1918. Le 20 août 1918, il fut affecté à une unité opérationnelle de bombardement de nuit : la V. 121 G.B. 7 Voisin. Il effectua alors des missions de combat.
Antoine en décrit bien l’ambiance : « Le 28 octobre 1918, je fus à nouveau désigné pour un bombardement, mais comme observateur bombardier, sur un appareil piloté par un caporal arrivé en même temps que moi, mais qui avait déjà effectué neuf bombardements. Par ce dixième, il devait être promu sergent. Ce dernier eut dans la journée à essayer l’appareil qui lui avait été confié. Le rencontrant après ce vol, sur ma question, il me précisa : « Le moteur monte et descend, mais il tient ». Le soir venu, nous voilà donc partis, mais ne réussissant pas à monter à plus de 1 000 mètres, mon pilote se décida à faire demi- tour, le moteur ne tenant pas son régime, Nous ne nous trouvions plus qu’à environ 500 mètres de hauteur, quand il me sembla apercevoir un terrain propice à l’atterrissage, face à nous entre deux petits bois de sapins. Je lui criai : « Coupe, un terrain ». Au lieu de cela, il déclencha. une fusée éclairante Michelin pour éclairer le soi-disant terrain. Or, 500 mètres est la distance minimum où elle peut se trouver retenue par le parachute dont elle est munie. Mon pilote essaya vainement de retrouver le terrain, la fusée s’étant alors posée et éteinte au sol. Je commençais à ne plus être du tout rassuré, surtout peu après, à un certain moment où je fus soudain presque ébloui par un éclairage à l’avant de l’appareil. Ceci venait de se produire par allumage d`une rampe de phares électriques actionnés par le pilote. Ces phares portèrent ainsi sur une brume formée près du sol et donnant lieu plutôt à un aveuglement. Finalement, je distinguai à peine le sol sur lequel notre avion s’effondra obliquement, puis culbuta sur lui-même de plus de 180 degrés pour se trouver alors sur le dos (si l’on peut ainsi dire). Par la force centrifuge, je fus projeté hors de la cabine sur le sol où, du fait de la vitesse, je dus faire sept ou huit tours sur moi-même. Je croyais être tombé sur un terrain en pente ! Mais non, c’était bien horizontal. Je me relevai aussitôt et me constatai intact ! Heureusement aussi, mon pilote avait dû couper le contact au moteur, car, sans cela, l’essence que j’entendais couler aurait pu prendre feu et gare aux deux bombes qui étaient encore en place sur l’appareil. Me rapprochant alors de celui-ci, je recherchai mon camarade que je retrouvai, sans connaissance, de l’autre côté de l’avion, étant tombé de l’avant de la cabine où il était installé, quand celle-ci s’était trouvée sens dessous dessus ».
L’armistice du 11 novembre 1918 n’a pas signifié son retour immédiat à la vie civile. Antoine de Guillebon continua à voler jusqu’au 3 septembre 1919, jour de sa démobilisation.
Quelques années après, il épousa à Dieppe, les 13 et 14 juin 1924, sa cousine Suzanne Marie Josèphe Clotilde L’Eleu de la Simone, seconde fille d’Albert l’Eleu de la Simone et de Gabrielle de Guillebon, de la branche d’Esserteaux, dont il eut dix enfants.
Après la guerre il retourna avec toute sa famille à Malo-les-Bains et reprit son travail à l’Usine des Dunes. Il prit sa retraite en 1957 à la Panneterie à Esserteaux (Somme), propriété qui avait appartenu à ses beaux-parents. Il y décéda le 16 mai 1976.
Christian de Guillebon
fils d’Antoine de Guillebon
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